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Petite biographie de l’abbé Couturier

Petite biographie de l’abbé Couturier

en quelques dates

Paul Couturier prêtre et professeur de sciences

  • 29 juillet 1881 : naissance à Lyon
  • 1885-1893 : Alger, scolarité primaire à l’école Saint-Joseph El Biar.
  • Retour à Lyon. Séminaire diocésain. Société des prêtres de St Irénée.
  • 9 juin 1906 : ordination presbytérale.
  • Études de sciences aux Facultés catholiques de Lyon.
  • 1907-1946 : professeur de sciences à l’institution des Chartreux.

Le contexte œcuménique

Naissance du mouvement œcuménique mondial

1910 : la conférence missionnaire mondiale d’Édimbourg

On peut dire aujourd’hui en relisant cette histoire que le lien a été ainsi établi entre mission et unité : « L’unité est le véritable but de la mission, si l’on entend par mission et unité le rassemblement dans le Christ de toute l’humanité[1] ».

1925 : Stockholm, 1ère assemblée du christianisme pratique “Vie et Activité” (Life and Work)

Un premier mouvement œcuménique a vu le jour quelques années après : « Vie et Activité » (« Life and Work » en anglais), appelé encore « le christianisme pratique », instauré pour une coopération concrète entre les Églises. Pour l’initiateur de ce mouvement, si la doctrine divise les chrétiens, l’action – en faveur de la paix ou de la justice par exemple – les unit[2]. La première assemblée de ce mouvement s’est tenue à Stockholm en 1925 à l’initiative de l’évêque suédois Söderblom[3].

1927 : Lausanne, 1er rassemblement de “Foi et Constitution” (Faith and Order).

En parallèle, un autre mouvement œcuménique apparut, théologique celui-là : « Foi et Constitution » («Faith and Order » en anglais). Il a été créé pour une réflexion doctrinale entre des théologiens de différentes Églises, grâce à la vision d’un évêque, Charles Brent[4], et de son Église, l’Église épiscopalienne nord-américaine. L’appel à une conférence mondiale reçut un accueil favorable de la part de nombreuses Églises, sauf de l’Église catholique romaine. Pour les fondateurs, l’objectif de l’unité des chrétiens ne pouvait pas être atteint en faisant l’impasse sur les problèmes doctrinaux. Le premier rassemblement de « Foi et Constitution » eut lieu à Lausanne en 1927.

1948 : naissance du Conseil œcuménique des Églises.

Après la deuxième guerre mondiale, en 1948, ces deux mouvements donneront naissance au Conseil Œcuménique des Églises[5], Foi et Constitution devenant alors une commission de la nouvelle structure[6].

Les débuts de l’œcuménisme catholique

1921-1923 : conversations de Malines, à l’initiative de Lord Halifax et Fernand Portal, sous le patronage du Cardinal Mercier.

En 1921, deux amis, l’anglican Charles Lindley Wood, comte Halifax, et le lazariste cévenol Fernand Portal[7], projetèrent de réunir une commission mixte de théologiens catholiques et anglicans pour « étudier les conditions d’un rapprochement entre l’Église romaine et la Communion anglicane ». Ils s’adressèrent au Cardinal Mercier, archevêque de Malines en Belgique, homme ouvert et d’envergure internationale, pour patronner cette commission. Ce dernier accepta à condition que ces entretiens soient “privés”. Ces rencontres sont appelées les « Conversations de Malines ». Elles se tinrent trois fois entre 1921 et 1923. Dans une lettre pastorale[8] à son clergé datée du 18 janvier 1924, le cardinal Mercier s’expliquait ainsi :

« Si la vérité a ses droits, la charité a ses devoirs ; nous pensions que, peut-être, en parlant à cœur ouvert et avec la persuasion intime que, dans un vaste conflit historique qui a duré des siècles, tous les torts ne sont pas d’un seul côté, en précisant les termes de certaines questions en litige, nous ferions tomber des préventions, des méfiances, dissiperions des équivoques, aplanirions les voies au bout desquelles une âme loyale, aidée de la grâce, découvrirait, s’il pouvait plaire à Dieu, ou retrouverait la vérité. […]

Assurément, le rapprochement des cœurs n’est pas l’unité de la Foi, mais il y dispose.[9] »

La mort du cardinal en janvier 1926 et celle de Portal en juin de la même année mirent fin à ces Conversations de Malines. Ces rencontres ont été les premières entre des catholiques et des non-catholiques depuis la rupture du xvie siècle ! Elles ont surtout inauguré un style de relations interconfessionnelles dans un climat de respect, de confiance et de liberté.

1925 : Dom Lambert Beauduin fonde le monastère de l’Union à Amay sur Meuse (Belgique).

Pendant la même période, toujours en Belgique, un autre homme, dom Lambert Beauduin, va marquer les débuts de l’œcuménisme catholique. Celui-ci fonda en 1925 à Amay-sur-Meuse en Belgique le prieuré des Moines de l’Union. Il mit en œuvre conjointement une réforme monastique et une réforme liturgique. Retrouvant l’inspiration du monachisme oriental et l’antique Règle des Pères du Désert, les moines devaient avoir comme seules préoccupations la prière et l’unité de l’Orient et l’Occident. Séparés en deux groupes, ils célébraient simultanément dans deux rites, respectivement latin et byzantin, dans deux chapelles différemment aménagées. Pour répandre ses idées, Lambert Beauduin fonda en 1926 la revue Irénikon, nouvelle revue apportant « un message de paix ». Il y rejetait fermement tout prosélytisme[10] et tout uniatisme[11]. Le monastère et la revue poursuivent de nos jours leur tâche œcuménique.

1928 : le pape Pie XI condamne le mouvement œcuménique naissant par l’encyclique Mortalium animos.

Pendant de nombreux siècles, la hiérarchie romaine a considéré que le seul modèle d’unité possible était le rassemblement de tous les chrétiens sous l’autorité du pape. Elle ne concevait qu’un « retour »[12] à l’Église catholique romaine de ceux qui étaient considérés comme s’en étant détachés au cours des siècles. Les responsables catholiques ne participaient pas aux instances œcuméniques internationales et interdisaient à tous leurs fidèles d’y prendre part. L’encyclique Mortalium animos promulguée par le pape Pie XI en 1928 a clairement condamné le mouvement œcuménique naissant. Étaient visées en particulier les premières expériences catholiques, spécialement les Conversations de Malines et les Moines de l’Union. Les mouvements du Christianisme pratique et de Foi et constitution qui venaient de tenir leurs premiers rassemblements étaient rejetés en dehors de « la seule véritable Église du Christ », unique gardienne de la « vérité divinement révélée ».

L’Octave de prières pour l’unité

  • 1908 : Les révérends Wattson et Spencer Jones initient une nouvelle croisade de prière pour l’unité chrétienne, la Church Unity Octave, y introduisant une dimension missionnaire.
  • 1916 : reconnaissance de l’Octave de prières du 18 au 25 janvier par le pape Pie XI dans l’objectif du “retour” de toutes les “autres brebis” à la “Sainte Église romaine”.

C’est ainsi que dans les années 1930 l’abbé Paul Couturier pouvait connaitre l’Octave de prière et son objectif “unioniste”.

Des rencontres décisives pour la vocation œcuménique de l’abbé Couturier

Début des années 1920 : Paul Couturier rencontre l’industriel lyonnais Victor Carlhian qui l’invite comme chapelain pendant l’été dans sa propriété de Saint-Ours dans le Vercors.

  • 1920 : retraite ignacienne avec le jésuite Albert Valensin.
  • 1923 : Albert Valensin demanda à Paul Couturier de participer à l’accueil de réfugiés politiques qui avaient fui la Russie après la Révolution de 1917. Première rencontre de Couturier avec des orthodoxes.
  • 1923 : Couturier rencontre Jules Monchanin à Saint-Ours.
  • Juillet 1932 : retraite d’un mois à Amay sur Meuse au monastère bénédictin de l’Union.
  • 1933 : Couturier devient oblat d’Amay sous le nom de Benoit-Irénée

1935 : Couturier est initié à la lecture de Teilhard de Chardin par Victor Carlhian.

De l’Octave à la Semaine de prière pour l’unité chrétienne

  • 20-22 janvier 1933 : Couturier organise un Triduum « pour le retour des Chrétiens séparés à l’Unité de l’Église »dans l’église Saint-François de Sales dans la presqu’ile lyonnaise.
  • 1934 : Le Triduum s’élargit à Lyon en une “Octave Solennelle de Prières” en s’intégrant à l’Octave mondiale recommandée par les papes successifs.
  • 1934 : Couturier écrit au monastère bénédictin anglican de Nashdom pour solliciter son adhésion à la Semaine de prière naissante. Réponse positive qui permet à Couturier d’entrainer d’autres monastères dans ce mouvement de prière pour l’unité.
  • 18-25 janvier 1935 : des orthodoxes, autorisés par le métropolite Euloge, sont présents aux célébrations de l’Octave de prières pour l’unité des chrétiens dans la primatiale lyonnaise.
  • 18-25 janvier 1936 : à Lyon, changement définitif de vocabulaire et d’objectif, l’Octave devient la Semaine de prière pour l’unité chrétienne, en vue de l’unité « telle que le Christ la veut ». Organisation de conférences thématiques.
  • Décembre 1935 : publication dans la Revue apologétique du premier article de Paul Couturier « Pour l’unité des chrétiens, psychologie de l’Octave de prières du 18 au 25 janvier ».
  • Novembre-décembre 1937 : nouvelle publication de deux articles dans la même revue, sous le titre « L’universelle prière des chrétiens pour l’unité chrétienne ».
    Ces deux articles seront réunis l’année suivante par Couturier dans un opuscule de 36 pages. Cet opuscule appartient au “matériel” proposé pour la préparation de la Semaine de prière à partir de 1938.

Rencontres avec d’autres confessions chrétiennes

  • Octobre 1934 : Couturier rencontre le métropolite russe Mgr Euloge qui donnera l’autorisation à des orthodoxes de participer à la Semaine de prière à Lyon en janvier 1935.
  • Juillet 1937 : naissance de la fraternité œcuménique d’Erlenbach (Suisse) par l’intermédiaire de l’abbé Laurent Rémillieux, curé de la paroisse Notre-Dame de Saint-Alban à Lyon. Paul Couturier, Jules Monchanin, Laurent Rémillieux et Louis Richard participent à la première rencontre de la fraternité.
  • 1937 : premier voyage en Angleterre où Couturier rencontre essentiellement des anglicans favorables à un rapprochement avec le siège romain. Visite à l’abbaye bénédictine de Nashdom.
  • 1938 : deuxième voyage en Angleterre. Rencontre avec la Communauté de la Résurrection à Mirfield. Des anglicans fondent en Angleterre the Week of the Universal Prayer.
  • 1940 : Couturier rencontre à Lyon le jeune pasteur Roger Schutz, puis il rend visite, accompagné de Maurice Villain, à la communauté naissante à Taizé.
  • Février 1940 : Marguerite de Beaumont vient à Lyon rencontrer Paul Couturier. À la suite de cette rencontre, l’abbé envoie une première méditation, « que ton Nom soit sanctifié », aux sœurs animant les retraites spirituelles à Grandchamp, près de Neuchâtel en Suisse.
  • 1941 : Couturier écrit et envoie à Grandchamp une deuxième méditation, « un aspect cosmique de la prière », pour une introduction à la prière.
  • Septembre 1942 à la Trappe des Dombes : Couturier initie avec le pasteur Jean de Saussure un autre dialogue, plus théologique. C’est le futur “Groupe des Dombes

La prière du Christ pour l’unité

Des nouveaux thèmes apparaissent dans les “tracts” de la Semaine de prière que Couturier envoie à partir de son bureau à l’Institution des Chartreux à Lyon, dans le monde entier.

  • 1940 : formulation du lien entre la guerre et la “brisure de la chrétienté”.
  • 1941 : apparition du thème de “l’émulation spirituelle”.
  • 1943 : le “monastère invisible”.
  • 1944 : la prière du chrétien pour l’unité chrétienne s’inscrit directement dans celle du Christ au soir du Jeudi Saint “pour qu’ils soient un”.
  • Le 12 avril 1944 ; arrestation de Couturier par la Gestapo, emprisonnement au fort Montluc jusqu’au 12 juin.
  • 1944 : Couturier écrit « prière et unité chrétienne », son “testament œcuménique” édité plus tard par le diocèse de Lyon.
  • 1946 : Couturier publie « charité, lumière de vie » dans la revue Catholicité.
  • 1947 : Couturier propose de prier pour la Conférence Mondiale de Foi et Constitution.
  • 24 mars 1953 : mort de l’abbé Couturier.

La postérité

Le jour des funérailles de l’abbé, le Cardinal Gerlier, à la demande du Dr Visser t’Hooft du Conseil Œcuménique des Églises, s’engage à ce que « son œuvre soit continuée dans le même esprit ».

  • 1954 : Création du centre œcuménique Unité Chrétienne à Lyon pour poursuivre cette œuvre et en particulier la Semaine de prière pour l’unité chrétienne.
  • 1958 : le matériel de la Semaine de prière pour l’unité chrétienne est préparé par Unité Chrétienne en collaboration avec la commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises.
  • 1968 : le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens se joint à la préparation de la Semaine. Est ainsi formée une commission mixte internationale par ce Conseil pontifical et Foi et Constitution. Les deux acteurs “historiques”, les frères de l’Atonement et Unité Chrétienne, participent à cette commission mixte internationale.

Notes

[1] Marie-Hélène Robert, « Aux origines missionnaires du mouvement œcuménique », op. cit., p. 10.

[2] Cf. Joseph Fameree, « Petite histoire du mouvement œcuménique », Lumière et Vie, juillet-septembre 2009, n° 283, p. 19-30.

[3] L’évêque Nathan Söderblom (1866-1931) a été primat de l’Église luthérienne de Suède en 1914. Son engagement en faveur de la paix dans le monde, en particulier pendant la Première Guerre mondiale, lui valut le Prix Nobel de la paix en 1930.

[4] Charles Brent était un évêque d’origine canadienne, missionnaire aux Philippines pour le compte de l’Église épiscopale des États-Unis. C’est lui qui eut l’idée d’une nouvelle conférence répondant à l’appel à l’unité des chrétiens lancé par la Conférence d’Édimbourg en 1910 et tenant compte également de la nécessité de résoudre la question des différences doctrinales entre les Églises, différences au sujet de la foi et de la constitution de l’Église.

[5] Le conseil œcuménique des Églises se définit lui-même de la façon suivante : « Le Conseil œcuménique des Églises est une communauté fraternelle d’Églises qui confessent le Seigneur Jésus Christ comme Dieu et Sauveur selon les Écritures et s’efforcent de répondre ensemble à leur commune vocation pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint Esprit ». Il rassemble aujourd’hui 349 Églises, dénominations et communautés d’Églises d’une bonne centaine de pays et territoires du monde entier, représentant plus de 560 millions de chrétiens et comprenant la plupart des Églises orthodoxes, un grand nombre d’Églises anglicanes, baptistes, luthériennes, méthodistes et réformées, ainsi que de nombreuses Églises unies et indépendantes.

[6] L’objectif de Foi et Constitution devient plus tard celui du Conseil Œcuménique des Églises en général : Appeler les Églises à « tendre vers l’unité visible en une seule foi et en une seule communauté eucharistique exprimée dans le culte et dans la vie commune en Christ et progresser vers cette unité afin que le monde croie ». Bien que l’Église catholique romaine ne soit pas membre du Conseil Œcuménique des Églises, depuis le concile Vatican II, des théologiens catholiques travaillent dans la commission Foi et Constitution.

[7] On peut lire Régis Ladous, Monsieur Portal et les siens, Paris, Cerf, 1985.

[8] Une lettre pastorale est une lettre circulaire qu’un évêque envoie au clergé et aux fidèles de son diocèse.

[9] Cardinal Mercier, « Lettre pastorale à son clergé du 18 janvier 1924 », Irénikon, Prieuré d’Amay s/Meuse, 1927, coll. n° 3-4, p. 9-10.

[10] « Pas de pêche à la ligne dans le vivier du voisin, soit, mais la pêche au filet, pas davantage » écrit Dom Lambert, Irénikon, 1, 1926, p. 9.

[11] On appelle aujourd’hui uniatisme la stratégie catholique qui a cherché à obtenir l’unité autour du Siège romain par la signature d’accords d’union entre Rome et des Églises locales orientales. Ainsi sont nées au cours des siècles les Églises catholiques orientales, Églises en communion avec Rome ayant conservé leur rite et leur discipline d’origine.

[12] Il faudra attendre le concile Vatican II pour que, grâce au travail du Secrétariat pour l’unité des chrétiens, ce terme disparaisse définitivement du vocabulaire romain.

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